Mandalé, le 1er octobre 2005
Chers tous,
Très fréquemment, des gens me font part de leur
désarroi face à l’inexistence en France
d’un lieu où l’on pourrait s’adonner
à la pratique du dhamma dans les conditions propices.
Ne sachant plus vers quoi se diriger, certains tournent en
rond en errant de pagodes en pagodes, d’autres tentent
de faire un peu de méditation chez eux en se contentant
de quelques indications glanées çà ou
là.
Vous êtes de plus en plus nombreux à déplorer
l’absence (près de chez vous) d’un monastère,
ou tout du moins d’un centre de méditation sérieux.
Il y a, certes, des lieux prétendus « bouddhiques
», et même en nombre considérable, mais
le plus souvent ils sont réservés à la
célébration de rites, et en aucun cas, on n’y
trouve de porte ouverte sur nibbána, le but suprême
chéri par toute personne raisonnable. Pour ce faire,
il faut impérativement un lieu qui réponde à
des conditions bien précises, ainsi que la présence
d’individus capables de guider jusqu’au bout tous
ceux qui sont prêts à œuvrer pour parvenir
à cette expérience.
Voilà près de six ans que je vis en Birmanie,
où l’on trouve de nombreux monastères.
On peut constater que même ici, il n’est pas toujours
aisé de trouver un instructeur compétent et
que se pose surtout le problème de la langue (les entrevues
de méditation sont souvent traduites très maladroitement,
car les interprètes sont généralement
inexpérimentés dans la pratique). J’avais
alors imaginé fonder un petit monastère dans
la forêt birmane. Ce projet a vite été
abandonné, car on m’a fait savoir que dans ce
pays, il n’est pas permis à un étranger
de diriger un monastère.
L’autre problème qui se pose concerne les individus
vivant en France (ou ailleurs en Europe), et qui, pour diverses
raisons, n’ont pas la possibilité de se déplacer
jusqu’en Asie. Enfin, pour ma part, je crois être
beaucoup plus utile en France, tandis qu’en Birmanie,
je ne sers à rien du tout ! Bouddha disait bien : «
Le moine va où les êtres sont prêts à
entendre le dhamma, tel est son devoir. »
Je suis loin d’être un moine exemplaire. Par exemple,
ayant toujours mis l’accent sur la pratique, et basant
beaucoup plus mon investigation sur l’expérience
que sur les textes canoniques, ma connaissance de ces derniers
s’en trouve limitée. Néanmoins, en dépit
de mes lacunes, je pense sincèrement être en
mesure d’aider efficacement dans le dhamma tous ceux
qui souhaitent faire les efforts nécessaires pour cela.
Depuis quelques années, je développe un site
Internet (dhammadana.org) consacré à l’enseignement
du dhamma, qui compte de plus en plus de visites (les statistiques
viennent de passer la barre des dix mille visites par mois).
Donner le dhamma par Internet, c’est bien, mais ça
ne suffit pas. Il faut maintenant un lieu capable d’accueillir
et de guider des méditants dans les conditions les
plus adéquates.
Du temps de Bouddha, lorsqu’on voulait effectuer un
entraînement à vipassaná (en tant que
moine ou moniale, comme en tant que laïc), rien n’était
plus simple. On prenait les instructions d’un moine,
et on allait dans la forêt. On pouvait alors facilement
dormir sous un arbre ou bâtir un cabanon en un instant,
sans autorisation particulière, et il était
possible de compter sur les gens des villages pour obtenir
la nourriture quotidienne.
De nos jours et dans nos contrées, cela n’est
malheureusement pas envisageable. Un endroit réunissant
certaines conditions est nécessaire. Pour bénéficier
d’un tel endroit, il suffit de trois choses :
Il suffit que chaque personne convaincue par l’utilité
d’un tel projet participe selon ses moyens à
sa concrétisation.
Il suffit que chacun sache écouter et faire confiance
aux moines, car c’est en quelque sorte leur «
métier » que d’établir et d’organiser
un lieu dédié à la pratique du dhamma.
Il suffit d’essayer, d’agir (parler peu et faire).
Personnellement, je ne vois pas quelle type d’entreprise
vaudrait mieux la peine d’être tentée.
Que peut-on souhaiter de mieux en France qu’un lieu
où tout est conçu pour permettre à chacun
de s’entraîner dans les meilleures conditions
jusqu’à la libération définitive
des impuretés mentales ? Un tel lieu serait à
la fois un « monastère » et un «
centre de méditation ».
Un « monastère » car y résideraient
des moines vivant en accord avec la parole de Bouddha (non
modifiée, telle qu’elle a été conservée
et validée lors du dernier grand concile par des moines
dont la complétude de l’accomplissement –
arahanta – a pu être approuvée par les
reliques laissées après leur extinction) et
avec la discipline monastique (base totalement indispensable
à la préservation de l’enseignement du
dhamma).
Un « centre de méditation » car il s’agirait
d’un lieu pleinement consacré à l’entraînement
au développement de la vision directe dans la réalité
– vipassaná. Tout serait fait pour recevoir et
loger des méditants de sorte à ce qu’ils
puissent se consacrer pleinement à cet entraînement
sans avoir le moindre souci, jusqu’au succès
intégral. La méthode enseignée serait
conforme à la technique dite « Mahásí
», popularisée par le moine connu sous ce nom,
et généralement reconnue par les êtres
les plus avancés comme la méthode « la
plus efficace, la plus facile et la plus rapide ».
Dans l’idéal et à terme, il s’agirait
d’un monastère complet, conçu de sorte
que le dhamma puisse y fleurir pleinement, pour l’épanouissement
du plus grand nombre. En résumé, ce serait un
monastère qui ressemble à cela :
Un lieu silencieux et tranquille. Une atmosphère paisible,
propice à la purification mentale. Un climat doux pour
favoriser de bonnes conditions physiques et privilégier
la pratique en plein air au moins pour la marche (exemple
: dans la campagne en basse altitude, au sud de la France).
Un isolement du monde extérieur : une grande ouverture
en plein air à l’intérieur, les bâtiments
tout autour, un peu à la manière d’un
cloître, et une division du tout en deux zones distinctes.
D’un côté, une « zone accueil »,
de l’autre une « zone monastère ».
Dans la « zone accueil » se trouvent :
Hall d’accueil pour recevoir les visiteurs, discuter
des choses du dhamma. C’est là où se trouvent
l’accès à Internet, les livres, etc.
Chambres des résidents permanents.
Cuisine.
Salle à manger (pour les résidents permanents).
Salle de bains et w.-c.
>Chambre pour les invités de passage.
Pièce pour entreposer les affaires diverses (réserves
alimentaires, couvertures, etc.)
Dans la « zone monastère » se trouvent
:
Salle de méditation (elle-même séparée
en deux, comme pour les chambres et les salles de bain : côté
hommes et côté femmes).
Chambres des méditants.
Chambres des moines.
Salle à manger (pour les moines et les méditants).
2 salles d’eau, 2 w.-c.
síma (bâtiment réservé à
toutes les procédures monastiques).
Zédi (reliquaire que Bouddha établi en quelque
sorte afin de marquer physiquement le territoire du dhamma).
Seuls les moines, novices, nonnes et personnes observant les
8 préceptes sont aptes à pénétrer
dans la « zone monastère ». Tout est prévu
pour qu’un méditant n’ait jamais besoin
de sortir de cette zone pendant la durée de sa retraite.
En tout, 6 bâtiments. Un relativement grand pour toute
la « zone accueil », un petit pour les moines,
un petit pour la síma, un pour les salles de méditation,
un pour les chambres des hommes et un autre pour celles des
femmes. Des allées couvertes pour permettre la marche
à l’extérieur en dépit du soleil
ou des intempéries.
Si beaucoup de monastères sont de véritables
palais, ce n’est pas le cas de celui-ci. Un vrai monastère
se doit avant tout d’être un lieu de retraite,
sans confort particulier, qui peut très bien être
bâti à l’aide de matériaux bon marché.
Aucune décoration n’est nécessaire, encore
moins de statues, dorures ou autres ornements. L’essentiel
est : un bout de terrain, avec suffisamment de pièces,
bien isolées (dans tous les sens du terme), une cuisine
(bien équipée tout de même), des salles
d’eau, et un peu d’électricité.
Pour les occupants... Quelques moines (pas sérieux
s’abstenir !) ; éventuellement des novices et
des nonnes ; des méditants ; des résidents permanents,
qui sont simplement des gens faisant le choix de vivre sur
place en œuvrant bénévolement au bon fonctionnement
du monastère (entretien, cuisine, aide aux méditants,
tâches que les moines ne sont pas autorisés à
faire eux-mêmes, etc.) Ces bénévoles peuvent
aussi être provisoires, offrant leur aide le temps d’un
congé, tout en expérimentant la vie d’un
monastère.
Enfin, une discipline à respecter par chacun, pour
un déroulement du quotidien aussi parfait que possible
dans un « monastère de méditation »
dont le seul souci est de donner le dhamma dans les meilleures
conditions possibles. Il s’agit de choses simples faciles
à observer par tous. Exemples : Silence total à
table, et le reste du temps, ne parler qu’à voix
basse et seulement si c’est vraiment nécessaire
; pas de tabac (même en « zone accueil »)
; pas de téléphone portable...
Une discipline « minimale », sans exagération.
Seulement un respect des choses dans le juste milieu, pour
que chaque méditant adopte une conduite aussi propice
que possible au développement de son entraînement,
mais soit à la fois complètement à l’aise
et détendu. Il est aussi important de se sentir isolé
et protégé des entraves à la méditation
que de se sentir libre.
Beaucoup de centres de méditation sont si relâchés
sur la discipline que ce sont des centres de vacances ou des
parcs d’attraction. D’autres sont au contraire
si stricts, avec un règlement si contraignant que ce
sont des casernes militaires ou des prisons. Nous avons tous
besoin d’un centre de méditation qui soit un
centre de méditation.
Comme un monastère pousse rarement aussi vite qu’un
champignon, la patience devra être de rigueur. En attendant,
pourquoi ne pas louer une petite propriété ?
Ce serait l’occasion de débuter et ainsi de connaître
mieux et en détail les besoins d’un monastère
tel que je viens de le décrire. Dans cette location,
qui serait en quelque sorte un « monastère provisoire
», toute l’organisation décrite plus haut
pourrait s’appliquer, hormis quelques détails,
comme la séparation en « zone accueil »
et « zone monastère », la séparation
hommes et femmes, la présence de la síma et
du zédi.
Si les moines gèrent le côté monastique,
enseignements et discipline des choses, le côté
financier ne les concerne pas. Si les laïcs souhaitent
fonder une association pour la préparation d’un
tel projet, c’est leur affaire. Qu’ils fassent
comme bon leur semble.
Concernant les moines, je pense que le Français (d’origine
khmère) Síla Vanta, qui est un renonçant
remarquable, très qualifié pour guider les méditants
(actuellement au Canada) acceptera très volontiers
de demeurer dans un tel lieu. Il serait bien de recevoir également
un moine birman. Je pense par exemple au moine Devinda, connaissant
le pali et très érudit dans l’ensemble
des écritures canoniques (il est l’auteur de
l’ouvrage le plus complet qui soit sur les 13 pratiques
ascétiques). Autrement, il y a la nonne Nanda Málá,
ayant aussi une bonne connaissance des enseignements, en particulier
en abhidhamma, et une belle expérience dans la vipassaná.
Comme pour me dire que « les choses sont mûres
pour envisager la préparation d’un tel projet
», ces derniers jours, me sont parvenus des messages
de personnes différentes me sollicitant à entreprendre
des projets on ne peut plus similaires : fonder un monastère
en Birmanie ; créer un lieu en France où serait
enseigné l’enseignement de Bouddha dans sa version
« pure » ; louer à plusieurs une maison
en France pour y diriger une retraite de six mois ou un an...
Aujourd’hui, tout cela n’est qu’une idée.
N’hésitez pas à me faire parvenir toutes
vos remarques, idées, interrogations, et bien entendu,
à me faire connaître votre motivation et la place
que vous seriez prêt à occuper dans la réalisation
d’un tel projet.
Pour tout contact : www@dhammadana.org
Personnellement, je ne serai pas disponible avant la fin 2006,
car il me reste encore un peu de travail à achever
en Asie (études, traductions, retraite vipassaná,
visite de monastères...)
Par ce présent message, considérons que le projet
est lancé. Les moines ont planté la graine.
À vous de savoir l’arroser !
Meilleurs vœux de réussite dans le dhamma,
Dhamma Sámi
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